PRÉPARONS LE MONDE D’APRÈS AVEC LA RSE ET LA RESILIENCE !
La crise actuelle pose la question de la compatibilité de nos modèles économiques avec un mode de développement plus durable.
Indéniablement, la crise liée à la pandémie du COVID-19 que nous vivons a une dimension sociétale.
Elle nous rappelle l’interdépendance entre l’économie, le social et l’environnement. Elle rappelle à chaque entreprise les relations très fortes qui la relient à l’ensemble de la société, et plus particulièrement à ses parties prenantes.
Elle met en lumière la vulnérabilité de nos systèmes économiques, en particulier en matière de chaînes d’approvisionnement, et notre dépendance à l’égard de ressources naturelles (alimentation). On découvre les effets délétères des circuits longs, de la mondialisation à outrance, de l’individualisme, de la déconnexion entre lieux de production et lieux de consommation, d’une production axée uniquement sur la réduction des coûts.
Elle interroge les modes de travail, les innovations, les activités logistiques.
Elle montre aussi la place primordiale de l’Humain dans nos économies. Il n’a jamais autant été question de lien social et de solidarité.
Si une certaine solidarité entre acteurs a bien été mise en place au niveau local et national, la pandémie a aussi montré un déficit criant de solidarité internationale. Et si les conséquences se font déjà ressentir dans les pays occidentaux, cela pourrait être fatal aux pays en développement, notamment en Afrique qui s’apprête à subir les ravages du Covid19.
Enfin, de nombreux scientifiques nous rappellent qu’il existe un lien fort entre le développement des épidémies et la perte de biodiversité, entre protection de l’environnement et protection sanitaire des populations.
La crise a révélé les impacts des activités humaines sur l’environnement, en particulier avec la baisse phénoménale de la pollution de l’air, des cours d’eau, des émissions de gaz à effet de serre pendant le confinement. Réciproquement, elle a aussi montré la dépendance de ces activités humaines à l’égard de l’alimentation, de la production de biens et de services essentiels, de la qualité sanitaire de notre environnement.
Pour résumer, la crise actuelle pose la question de la compatibilité de nos modèles économiques avec un mode de développement plus durable.
En France, comme dans d’autres pays du monde, des voix de plus en plus nombreuses se font ainsi entendre sur le thème de « l’après-crise », du « monde d’après », réclamant un changement radical de pratiques pour un monde durable, une économie plus résiliente et un système productif plus compatible avec la transition écologique. Quelle société voulons-nous bâtir le jour d’après ?
Alors que le Gouvernement français réfléchit à un plan de sortie de crise pour relancer une économie brutalement mise à l'arrêt par l'épidémie de Covid-19, les initiatives pour dessiner et inventer un nouveau modèle de société se multiplient : Initiative citoyenne « Inventons le monde d'après » ; propositions des Régions de France pour un « new deal environnemental » ; pétition d’ONG et syndicats pour « un jour d'après écologique, féministe et social » ; propositions des citoyens de la Convention pour le climat pour « un modèle économique et sociétal différent, plus humain et plus résilient » ; appel à mobilisation lancé par 180 ministres et députés européens, P-DG, ONG et syndicats, pour une « alliance européenne pour une relance verte », etc.
Beaucoup demandent que les financements mobilisés dans le cadre de la sortie de crise soient fléchés vers des solutions vertes et que les investissements se concentrent dans des secteurs respectueux du climat et de la biodiversité.
La responsabilité sociétale des entreprises constitue une opportunité pour rompre définitivement avec les modèles destructeurs de l’ancien monde.
Dans ce contexte, les acteurs économiques peuvent se référer aux 17 objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU. Ils constituent un cadre d'actions thématiques et politiques pour préparer l'avenir. La RSE (responsabilité sociétale des entreprises) apparaît aussi comme un outil privilégié pouvant être mis au service de cette transformation. Plus axée sur le monde de l'entreprise, elle représente une opportunité pour rompre définitivement avec le 'business as usual'.
Rappelons que la RSE est une démarche qui vise à réduire ses impacts négatifs et à augmenter ses impacts positifs sur la société et l’environnement.
Elle comprend donc toutes les actions positives que les entreprises peuvent mettre en œuvre dans l’intérêt général.
A l’occasion de la crise sanitaire, nous avons assisté à de multiples initiatives volontaires des entreprises, qui sont passées de la fabrication de parfum à la production de gels hydro alcooliques, de la construction d’automobiles à la production d’appareils de ventilation artificielle, de la confection textile à la fabrication de masques, de la transformation de masques de plongée en masques sanitaires pour les soignants, etc.
Plusieurs entreprises, les plus « agiles », ont ainsi détourné leur savoir-faire et mobilisé leurs ressources et leurs expertises pour venir en aide au pays.
Cette question des solidarités, qu’elles soient géographiques ou sectorielles, est au cœur du concept de RSE.
En s’intéressant au capital humain, aux relations avec les parties prenantes, la RSE facilite la mise en place d’une « culture de l’altruisme », de nouveaux modèles de développement, de nouvelles modalités de travail, d’innovation, de gestion des emplois et des compétences, de nouveaux modes de gouvernance, de qualité de vie au travail.
Comme l’explique Francesco Bellino, directeur associé en charge de la Sustainability au Boston Consulting Group, les entreprises qui portaient, avant la crise, une forte attention au social s’en sont globalement mieux tiré. Elles ont pu mobiliser plus rapidement leurs collaborateurs, en mettant leurs outils de production à disposition des produits et services nécessaires pour contrer les conséquences négatives de la crise. Elles ont pu mettre en place plus facilement de nouvelles conditions de travail, notamment le télétravail, adapter leur management, etc.
Au-delà de leur contribution hautement positive pour la communauté, ces démarches permettent aussi aux entreprises d’améliorer leur réputation, d’augmenter l’image de la marque vis-à-vis des concurrents, de gagner la confiance de leurs clients et de leurs parties prenantes.
Enfin, les principes et les questions soulevées par la RSE aident les entreprises à intégrer de nouvelles contraintes, à gérer des incertitudes et des risques, à améliorer leur gouvernance et leur capacité à rendre compte et à expliquer, à construire aussi un sens partagé autour de valeurs d’éthique et de solidarité.
Ces capacités seront certainement très utiles quand il s’agira de faire face aux autres menaces, en particulier le changement climatique et la raréfaction des ressources.
C’est ce que l’on appelle la résilience.
Faire face aux prochaines menaces par la résilience
La notion de résilience est polysémique. On trouve de très nombreuses définitions selon les domaines d’application et les disciplines. Pour être très synthétique, on peut les résumer à deux « courants » :
1. La résilience comme capacité d’un système à encaisser les chocs et à revenir à son état initial (système stationnaire). Dans ce cas, la résilience se traduit par l’auto-conservation. Il s’agit d’une résilience à très court terme, qui consiste à ramener le système inchangé à la position d’origine.
2. La résilience comme capacité d’un système à absorber les perturbations, à s’adapter et à se transformer pour perdurer (système dynamique ou évolutif). Dans ce cas, il n’y a pas auto-conservation, mais auto-régulation : le système s’ajuste pour mieux surmonter les bouleversements futurs en tirant profit des perturbations vécues. Cet ajustement passe par l’acquisition de propriétés nouvelles et par la modification de son organisation.
Ces deux définitions ne s’excluent pas forcément car elles portent sur des échelles de temps différentes. Cependant, c’est bien sûr à la deuxième définition que nous nous intéressons. Et c’est bien cette résilience là qu’il faut promouvoir.
Si l’on veut trouver une définition ‘’ universelle ‘’ et consensuelle de la résilience, il faut se tourner vers les référentiels normatifs. La norme ISO 22300 traitant du vocabulaire de la sécurité et de la résilience définit celle-ci comme la « capacité d’assimilation et d’adaptation dans un environnement changeant ». On voit bien que la résilience va bien au-delà du simple retour à la ‘’ normale ‘’.
Appliqué aux sociétés humaines, un système est résilient s’il sait et peut trouver les capacités nécessaires pour son adaptation face à des aléas qui le menacent (Commissariat général au développement durable, 2014).
Ces capacités sont de 4 ordres :
1. Capacité de résistance aux perturbations
2. Capacité à maintenir son intégrité
3. Capacité à se reconstruire
4. Capacité à s’adapter
Comme on le voit, cette notion de « capacité » est centrale. Bien que le concept de résilience fasse l’objet de nombreux débats, les recherches, aussi bien en sciences de gestion, en écologie ou en économie, s’accordent pour définir 4 déterminants de ces capacités, et donc de résilience :
La diversité d’activités, de ressources, de compétences, de cibles, etc. Pour tout système, c’est l’une des clés de l’adaptation. En cas de crise sur l’approvisionnement en ressources ou en matières premières par exemple, l’entreprise qui aura diversifié ses sources s’en tirera mieux. De même, en cas de perturbation impactant fortement un secteur d’activité, l’entreprise qui aura diversifié ses actifs s’en tirera probablement mieux. Notons que ce facteur essentiel s’oppose à l’ultra-spécialisation prônée par beaucoup de consultants en stratégie.
Les réseaux. Plus les organisations auront un grand nombre de soutiens, de liens avec leur écosystème, plus elles pourront trouver les ressources intellectuelles et matérielles pour surmonter les difficultés et s’adapter.
La modularité. Un système modulaire se caractérise par une pluralité d’unités, soit des personnes soit des secteurs d’activités, dotées d’un certain degré d’autonomie (déterminé par leur domaine d’activités, leur dépendance avec les secteurs voisins). L’avantage de la modularité apparait notamment lorsque l’une de ces unités est touchée par une crise : la diffusion au sein du système est limitée grâce à l’autonomie dont les autres disposent, il continue ainsi à fonctionner en dépit du choc qu’il a reçu.
La mixité. Une entreprise promouvant la mixité et l’ouverture trouvera plus facilement les ressorts pour résister et s’adapter aux changements subis. Les mécanismes de solidarité par exemple régulent les tensions sociales.
Les deux premiers facteurs sont essentiels. La résilience d’un système croît surtout en fonction de la diversité de ses composantes et les interconnexions, car davantage de canaux alternatifs sont alors disponibles en cas de perturbation ou de changement (Lietaer et coll., 2009).
En ce sens, la RSE facilite la résilience d’une organisation, puisqu’elle l’amène à réfléchir de façon systémique, holistique, qu’elle favorise les relations avec ses parties prenantes, et qu’elle intègre la notion d’apprentissage par le retour d’expérience.
Cet apprentissage doit permettre à son tour d’améliorer la gestion des risques, et donc la capacité à les traiter et à en limiter les impacts.
En conclusion, toutes les crises majeures, comme celle que nous vivons et celles que nous risquons de vivre demain, sont autant d'opportunités pour questionner nos valeurs et nos pratiques. Passé le traitement de l’urgence vitale, elles doivent nous conduire à la réflexion sur l’avenir, sur le « monde d’après ». Cette réflexion doit interroger nos capacités à gérer les risques, à apprendre collectivement et à se transformer. Parce qu’elle contribue à répondre à ces questions, la « responsabilité sociétale » est un outil très utile pour mener cette réflexion et construire notre résilience.
La RSE pourrait donc tout autant désigner la "responsabilité sociétale des entreprises" que la "résilience sociétale des entreprises".